Les défis silencieux de la recherche française face aux contraintes contemporaines

Contrairement aux États-Unis où les attaques contre la science sont manifestes, la France traverse une crise de la recherche plus subtile mais tout aussi préoccupante. Nathalie Bajos et Rémy Slama, experts respectivement en sociologie et épidémiologie, alertent sur cette situation dans leurs travaux.

La connaissance scientifique constitue un pilier fondamental de nos sociétés modernes. Elle éclaire les mécanismes naturels, notre passé, les dynamiques sociales et les enjeux environnementaux contemporains. Ces savoirs nourrissent directement l’élaboration des politiques publiques, notamment pour combattre les inégalités ou orchestrer la transition écologique.

Bien que la France semble épargnée par les offensives directes observées outre-Atlantique, son système de recherche et d’enseignement supérieur subit des pressions considérables. Les restrictions budgétaires s’accumulent : 387 millions d’euros en moins pour 2025, après une diminution de 900 millions l’année précédente. L’investissement total français, incluant le secteur privé, ne représentait que 2,2 % du PIB en 2022, loin derrière l’Allemagne et ses 3,1 %.

Le budget par étudiant a chuté d’un quart sur quinze ans. De nombreux postes de soutien restent vacants, découragés par des statuts peu attractifs. Les enseignants-chercheurs passent de plus en plus de temps sur des activités administratives, ce qui nuit à leurs missions primordiales.

Cette évolution nuit aussi à la propagation des connaissances. L’édition scientifique, largement privatisée, génère des marges importantes en s’appuyant sur le travail gratuit des chercheurs publics, tout en facturant jusqu’à 5 000 euros par publication dans certaines revues biomédicales. Cette logique commerciale privilégie la quantité sur la qualité, compromettant l’excellence scientifique.